Les légendes urbaines des lycées
12-1 Un spectre uchronique
Un soir de février, l’étoile chaude étincelante n’affecte plus que des sombres couloirs sans fin du premier étage du lycée. Plongé dans l’obscurité lunaire, l’intérieur de la salle de cours 12-115 se révèle dans un vaste voile humide et de silence. Les entités qui ont animé cette pièce ont pris leurs départs il y a quelques heures seulement, et seul le sifflement de la chaudière réside dans ces radiateurs encore brûlants.
L’obscurité dans ce lycée ne fait que commencer.
Ce léger sifflement s’étouffe et laisse place à un bruit à peine audible devant la salle 12-118 où, dans un autre temps, subsistaient des sanitaires désormais clos. Le bruit était un simple grésillement et n’était peut-être rien d’étonnant. N'est-ce peut-être qu’un insecte ou un petit quadrupède parti chasser ? Finalement, ce bruit insignifiant ne sera à jamais questionné.
Janot Curie
Le calculateur délaissé
Professeur ! Ainsi l’appelait-on lorsqu’il enseignait à ses derniers élèves du baccalauréat professionnel S.E.I.D. Entre les cours, en particulier le soir, il s’installait sur une chaise jaune en bois et triait quelques fichiers et dossiers qu’il rectifiait et enregistraient sur des disquettes couramment. Ce professeur martelait de ses doigts un clavier lié à un écran cathodique d’ancienne génération.
Mais un jour, un instinct d’hiver, où la migraine du grand froid atteint son apogée sur le grand Cèdre de l’Atlas, prenait acte de l’arrivée de l’enseignant ralenti par son âge. Il s’avance en direction du bâtiment 3 tandis que la tempête de neige s’intensifie. Toujours, il rectifie et enregistre ses ultimes corrections avant de s’exiler pour l’éternité. À ce jour, l’ordinateur de ce professeur attend désespérément son retour à la saisie du mot de passe correct.
Janot Curie
Une professeure absente
Une rentrée des secondes qui se relativise dans les préfabriqués de la régénérescence au 13. Une mystérieuse professeure dont le nom est méconnaissable et seule l’apparence persiste aux bouches des enseignants, que Pythagore et la relation de Chasles pourraient prêter à confusion. Une enquête grandeur nature, mais où se cache-t-elle ? Un théorème ne serait pas assez pour guider les secondes vers le chapitre suivant. Depuis, le goût de la recherche se prête à l’abandon et à l’exaspération des secondes à l’heure où l’enseignant remplaçant prend le relais.
Janot Curie
Un voyage lunaire
Un sentiment d’ennui au défilement des heures de spécialité. Elle s’épuise au regard de l’Humanité, elle rejette les discours philosophiques au succès, et ne se plaît pas de cet exemple littéraire. Ses yeux rivés sur l’une de ses pages où les écritures abstraites ne donneraient de somnolence au professeur d’art, puis s’attacheraient à une artiste lambda d’une nouvelle ère. Puis, elle dort. Aucune théorie ne prouve à présent le long fleuve tranquille des cours HLP jusqu’à ce que la professeure la réveille soudainement. Mais au réveil, elle flottait dans une autre dimension au décor bleuté dans laquelle ne vit personne. Puis, le décor se reconvertit en rouge vif étincelant, ce qui fait peur à l’élève qui n’eut pas le temps de percevoir cette dimension.
Janot Curie
Le méridien
Dès l’aube, l’acheminement se fait entendre à l’ouïe fine des estudiantins, alors que le fumet ensorcelle les cents classes. Ce qui était de l’horloge ne compte que la trotteuse, au départ d’un déluge prématuré qui ne s’attendrit qu’aux entrées.
Janot Curie
Une symphonie dès l’aurore
Une symphonie à l’heure où le soleil se lève et la douce mélodie vibre les murs plâtrés de l’établissement. L’artiste se berce et synchronise ses gestes, elle et l’instrument ne font qu’un ensemble. Toujours à l’aube où s’éveillent les externats, le temps semble perdurer et s’être arrêté.
Janot Curie
Un observatoire secret
Au plus près de l’espace depuis la terrasse, il vit l’apparition des astres en désaccord du temps. Andromède, ciblé par l’astronome amateur, s’immerge dans ce grand univers. L’horizon assombri ne laisse que la silhouette des bâtisses.
Janot Curie
Un mystérieux élève
À l’heure où le beau temps reste permanent, l’ombre de l’âge et de ses rencontres n’en reste pas là, il ne se trouve qu’auprès de ses heures restantes. Il est couramment présent mais n’est perçu que comme un simple passant. Il constate et dessine notre monde et le penseur en lui ne cesse de grandir.
Janot Curie